Les 4 Vérités du Liban

par Essente, -------------------- avec le recul nécessaire pour mieux voir et comprendre. ---- © Essente, 2006.

22 octobre 2006

1982 – 1990: Le Partage des Rôles entre Israël et la Syrie

1982 - Malgré l’enlisement de la guerre civile - ou plus précisément à cause de cet enlisement - le gouvernement Israélien, par le biais d’Ariel Sharon, alors Ministre de la Défense, continuait d’offrir son aide ainsi que son approvisionnement en arme, aux Forces Libanaises (FL), regroupant désormais les Phalangistes des Gemayel, les Tigres PNL, ainsi que l’ensemble des milices chrétiennes sous une même bannière. En alimentant les espoirs des forces chrétiennes sur le terrain, le gouvernement Israélien alimentait en fait, le feu d’une guerre que nul ne remporterait désormais. Cette guerre perpétuerait en revanche le climat nécessaire à accélérer l’hémorragie sociale, c’est-à-dire l’exode de la population chrétienne, et à instaurer ainsi, les conditions propices à l’implantation des Palestiniens au Liban.

Dans le cadre de cette stratégie, toute solution qui eut permis que la guerre du Liban sorte de son enlisement devait être bannie: Bachir Pierre Gemayel, fils du fondateur du parti chrétien Phalangiste, avait forgé sa carrière politique à l’école des barricades. Mais en dépit de son statut de militant engagé, en dépit de l’idéologie fasciste de son parti et en dépit du massacre de Safra Marine qu’il perpétra contre des milices partisanes, il parvint à aborder l’ensemble des factions belligérantes et à rassembler les Libanais autour d’un plan de paix. Conscient de sa vulnérabilité politique, de la controverse et de la méfiance qui l’entourent, il eut aussi la sagesse de se garder de tout triomphalisme militaire, se contentant d’incarner l’unité nationale sur l’ensemble du territoire, et la seule victoire d’une logique de paix sur celle de la guerre.

L’élection de Bachir Gemayel à la Présidence de la République en 1982, suscita un grand regain de confiance dans l’avenir du Liban, notamment au sein de la communauté chrétienne. Mais l’unité nationale que Bachir Gemayel parvint à incarner, ainsi que son attachement à des principes nationaux en faveur desquels il opposa un refus implacable et catégorique de tout compromis, trompèrent les attentes d’Israël, et se révélaient être une menace à la finalité du plan Kissinger. De ce fait, après l’élection de Bachir Gemayel, mais avant même qu’il n’ait franchi l’étape de la passation du Pouvoir, et le jour de la dernière participation à l’Assemblée Générale de son parti, il fut assassiné.

En la personne de Samir Geagea, (alors commandant en chef des FL), Israël trouva le profil du collaborateur par excellence, et la personne idéale qu’il convenait de soutenir, non pas pour mettre un terme à l’état de guerre, mais bien au contraire, pour en entretenir l’équilibre et la perpétuer. Ce remplacement (trop soudain) éveilla des soupçons qui ne seront jamais confirmés: Geagea se serait secrètement proposé d’offrir plus de compromis en faveur de l’Etat hébreu que ne l’avait fait Gemayel, et se serait ainsi rendu complice des Israéliens dans cet assassinat. Si cette hypothèse ne se confirma jamais, ce qu’on savait déjà de Geagea, et qu’on apprendra encore par la suite suffira en revanche à en entretenir le doute.

Geagea était déjà connu pour être un sanguinaire, avide de pouvoir, et suscitait au sein même de la population chrétienne, la haine des uns, et la terreur des autres. Saisissant l’anarchie de l’état de guerre et l’absence de toute autorité, il laissa libre cours à ses instincts criminels, profitant du chao de la guerre pour se frayer le chemin du Pouvoir. Son actif compte parmi les pires exactions commises, toutes parties belligérantes confondues. Elles comprennent les éliminations de toutes personnes actuelles, futures ou même potentielles, susceptibles d’entraver sa marche vers la monopolisation du Pouvoir, (Rachid Karamé, Tony Frangié, sa femme et sa petite fille de 5 ans, Dany Chamoun et ses deux enfants de 9 et 7 ans) etc… Cet actif s’enrichira même jusqu’en 1990, avec une série de massacres, dont la fusillade à bout portant des officiers de l’Armée de l’Air pourtant faits prisonniers dans leur propre caserne, et le mitraillage sur des jeunes manifestants pacifistes sous le pont de Dora etc…

Cet homme était donc précisément tout ce qu’il fallait à Israël pour entretenir l’exaspération et le désespoir des chrétiens et par conséquent, l’accélération de leur exode. Il n’en fallut pas plus qu’un feu vert et la promesse du Pouvoir pour lui monter la tête, et on l’utilisa. Sa mission dans cet échiquier fut donc de torpiller toute forme de solution qui eût pu renverser la faillite des Chrétiens du Liban, d’où la fameuse bataille livrée en 1989 contre le général Michel Aoun, autre grand espoir déchu des Libanais, et qui sera lui-même condamné à l’exil en Octobre 1990.

Avec le limogeage de Geagea par l’autorité Syrienne et son emprisonnement en 1994, le plan d’action Israélien se mettait en veilleuse. En effet, le 13 Octobre 1990, un feu vert Américain venait d’être donné à la Syrie pour instaurer une paix par la force, et faire faire à cette paix ce que la guerre n’avait pas pu achever. Geagea restera en prison pendant onze ans (de 1994 à 2005). Pendant ce temps, les Américains travaillaient sur une nouvelle carte de route pour le Moyen-Orient – une carte de route dont l’événement spectaculaire du 11 Septembre 2001 sera sans doute le prétexte déclencheur.

La mise en œuvre de cette carte de route débutera par l’invasion Américaine de l’Irak, et tout laisse croire que l’assassinat de Rafic Hariri (le 14 février 2005), ainsi que l’attaque Israélienne sur le Liban (le 12 Juillet 2006) n’en sont que des épisodes supplémentaires.