Les 4 Vérités du Liban

par Essente, -------------------- avec le recul nécessaire pour mieux voir et comprendre. ---- © Essente, 2006.

22 octobre 2006

Hariri ou les Intentions Cachées de l’Arabie Saoudite

Outre l’obligation imposée à l’ensemble des milices belligérantes de remettre leurs armes, le document de Taëf stipule un nouvel équilibre confessionnel, transférant une part des prérogatives du Pouvoir Présidentiel (chrétien maronite) en faveur du poste (sunnite) de Premier Ministre.

Le Premier Ministre de cette nouvelle constitution ayant déjà été préparé par l’Arabie Saoudite pour prendre ses fonctions, on ne connaîtra sans doute jamais le prix que la Monarchie Saoudienne aurait payé à la Syrie pour inclure dans le texte de Taëf les closes qui stipulent ce transfert de Pouvoir. Ce qu’on peut certifier en revanche, c’est que l’Arabie Saoudite prenait ainsi son ticket d’entrée dans la course, et se positionnait en grand favori sur la liste des prédateurs potentiels du Liban.

Un homme de bonne nature, né d’une famille ordinaire de Saîda, jusqu’alors inconnue, sans passé, sans passé politique en tout cas, avait sans doute réussi à gagner la confiance de la Monarchie Saoudienne. C’est donc lui que cette Monarchie désignait pour œuvrer à l'instauration d'un climat propice au démarrage de son plan – un plan qui peut sembler à priori utopique, puisqu’il consiste en l’achat foncier du Liban, exactement de la même manière qu’Israël avait acheté la majeure partie de la Palestine, avant d’asseoir son autorité et de fonder son Etat. Le projet peut sembler exagérément ambitieux, voire gigantesque - sans doute - mais avec la montée de l’islamisme fondamentaliste, notamment chiite, la Monarchie Saoudienne ne pouvait mieux investir ses recettes pétrolières.

Aux yeux de la population Libanaise, d’autant plus aveuglée par les affres de ses guerres qu’elle était avide de trouver un sauveur, l’homme présenté pour prendre le pouvoir s’appelait Rafic Hariri. Du reste, on l’avait fabriqué de toutes pièces, et personne ne soupçonnait alors les dessous de la mission qui lui avait été confiée.

On lui inventa un passé, supposé justifier sa gloire professionnelle, ainsi que la fortune qu’il aurait réalisée et qui allait donc être mise à sa disposition. Aussi grossier et incroyable que le montage scénographique puisse paraître, il aurait dit-on mené à bien l’entreprise d’un projet de construction en Arabie Saoudite dans des délais présumés serrés - une prouesse dont il faut croire qu’elle est à l’origine de la fortune (colossale) et du pouvoir (de Taëf) qui allaient lui être remis en main.

La première étape de la mission: s’installer au Pouvoir d’un régime qui avait été jusque-là, la seule véritable démocratie de tout l’Orient Arabe, et faire en sorte de ne plus céder la place, transformant cette petite démocratie en un pseudo sultanat.

La deuxième étape de la mission: Accroître la dette publique sous prétexte de remettre l’infrastructure sur pied, de la moderniser et de soit-disant préparer le pays à braver la période qui suivrait des éventuels accords de paix avec Israël - mais une paix en faveur de laquelle pas un effort n’a jamais été entrepris. Le véritable motif du gonflement délibéré de la dette publique s’avèrera être l'accroissement de la dépendance du Liban au flux des capitaux Saoudiens - des capitaux comptabilisés comme investissements, mais qui n’ont jamais été placés ailleurs que dans des acquisitions immobilières massives.

Parallèlement, maintenir l’état d’appauvrissement général du pays, afin d’encourager l’émigration, et de permettre ainsi à la demande Saoudienne pour les biens immobiliers de trouver une offre au moins équivalente. Parallèlement aussi, fermer les yeux sur la corruption de l’administration publique, afin d’empêcher toute résorption des dépenses de l’Etat, de les maintenir délibérément au plus haut, et de maintenir ainsi au plus haut le besoin pour les présumés ‘investissements Saoudiens’.

Aussi, fermer les yeux sur la corruption du secteur privé, instaurant délibérément un régime que le jargon courant qualifierait de mafieux. Durant son mandat (1991 - 2004), plus de 200 petites et moyennes entreprises libanaises ont déposé la clé sous la porte. En revanche, les propriétaires d’entreprises proches Pouvoir se sont vus décrocher les contrats des projets de l’Etat, en échange de leur disposition à ‘collaborer’ - ‘collaborer’ voulant dire servir de prête-noms aux acquisitions immobilières Saoudiennes, afin que les quotas légaux d’appropriation continuent d’apparaître comme étant en deçà des limites juridiquement autorisées.

Ensuite, ne pas lésiner sur les dépenses destinées à perpétuer la popularité du Pouvoir, notamment en période d’élections, et cela au mépris des règles de la démocratie. S’entourer de personnalités chrétiennes de second rang, fut-il nécessaire de les intéresser financièrement, afin d’éloigner les soupçons qui pourraient planer sur les véritables intentions de ce régime et sa finalité.

Par ailleurs, marginaliser le pouvoir des chrétiens, les seuls visiblement susceptibles de renverser la tendance, et disposés à le faire. Encourager l’hémorragie du flux migratoire de la jeunesse chrétienne, en maintenant (par exemple) le service militaire, en contrôlant la liberté de la presse, et en réprimant les manifestations d’étudiants par la force... mais en déguisant cette dicature discriminatoire avec des excuses télévisées réitérées avec une légèreté souriante. Ainsi, en parfait accord avec le régime Syrien, Hariri exerçait une politique de mépris des plus sournoises et des plus hypocrites qu’ait jamais connu le Liban.

L’équilibre entre l’Arabie Saoudite qui réalisait son plan, la Syrie qui en tirait profit, et Hariri qui multipliait sa fortune personnelle – s’est maintenu pendant près de treize ans. Il a donc fallu attendre toutes ces années avant de voir enfin émerger une colère. C’est dans les rangs chrétiens marginalisés, excédés et de plus en plus alarmés que l’opposition commençait à s’organiser (à Kornet Chehwan) et à faire parler d’elle.

Le but de l’opposition: Mettre un terme, sinon au plan Saoudien lui-même (dont on ne soupçonnait pas encore l'existence ni l'ampleur), du moins à tout ce que Hariri et la Syrie avaient mis en place pour en favoriser l’avancement, à savoir: La corruption généralisée, le gaspillage démesuré, le désastre social et l'état lamentable dans lequel la pratique de la démocratie sombrait. Enfin mettre un terme à l’allégeance de Hariri et des membres de son gouvernement à la dictature Syrienne omniprésente, avec tout ce que ce que le quotidien des supposés responsables donnait à voir de renoncement à la Souveraineté Nationale.