Les 4 Vérités du Liban

par Essente, -------------------- avec le recul nécessaire pour mieux voir et comprendre. ---- © Essente, 2006.

22 octobre 2006

Les Bouleversements Régionaux et leurs Répercussions

De 1970 au début des années 80, une série de bouleversements allaient changer le climat politique du Moyen-Orient: Hafez el Assad prenait le pouvoir en Syrie, s’autoproclamant Président de la République. En Octobre 1973, l’Egypte et la Syrie essuyaient une défaite de plus face à Israël. A la suite de cette défaite, le Président Egyptien Anouar el Sadate entamait des négociations avec le Premier Ministre Israélien Menahem Begin - des négociations qui allaient aboutir à la signature des accords de paix de Camp David. La Syrie perdait ainsi, son principal allié dans la lutte Israélo-Arabe. Hafez el Assad, de confession alaouite (minoritaire en Syrie), ne pouvant pas suivre l’exemple de son homologue Egyptien sans risquer de perdre sa place à la tête de sa dictature, se retrouva soudain seul dans la lutte Israëlo-Arabe. Pour rétablir un équilibre de forces, il n’eut d'autre choix que de s’allier avec le nouveau régime de l’Ayatollah Khomeiny, ce dernier ayant achevé de mener sa révolution et proclamé la République Islamique d’Iran.

Ainsi, le Moyen-Orient arabe se démantelait, en même temps que tombait en miettes la solidarité des Etats qui le composent. Avec la chute du Mur de Berlin en 1989, et l’effritement de la puissance Soviétique (contrepoids traditionnel du soutien Américain en faveur d’Israël), les pays Arabes producteurs de pétrole se détachaient progressivement de leur engagement dans la cause palestinienne, et consentaient à céder à l’autorité de la seule puissance Américaine. Les pays pauvres, eux se radicalisaient.

Ces bouleversements instauraient un climat régional propice à voir l’émergence de nouveaux prédateurs du Liban, surtout parmi ceux qui se voyaient de plus en plus menacés ou ébranlés par ces bouleversements. Pour plus d’un régime, la seule véritable démocratie du Moyen-Orient, affaiblie par la guerre civile, et par nature ouverte aux enjeux régionaux, constituait un terrain fertile à toutes sortes d’ambitions – chacun y trouvant son compte - et valait bien ainsi, qu’on s’y frotte les mains.

Avec le feu vert américain accordé à la Syrie pour instaurer la nouvelle Constitution de Taëf (voir chapitre suivant) et la faire respecter, Hafez el Assad s’était vu offert l’occasion de faire preuve de son habileté sur le terrain, et pouvait ainsi rêver de restaurer la Grande Syrie qui engloberait le Liban. Avec l’entrée de ses troupes sur le Palais Présidentiel le 13 Octobre 1990, pour destituer le Général Aoun et mettre en place le gouvernement de Taëf, la Syrie achevait sa main mise sur le Liban.

Durant la période d’après guerre (1991 – 2005), la Syrie exerça sa dictature sur la scène libanaise, en appliquant la politique du bâton et de la carotte. A commencer par les Présidents Hraoui et Lahoud, les hommes qu’elle oeuvrait à mettre en place dans les différents postes du pouvoir au Liban, étaient précisément choisis de telle sorte à ce que le Président Assad puisse maintenir son rôle de seul interlocuteur possible pour le Liban, dès lors que le reste du monde aurait à dire, à redire ou à négocier. Ainsi, le Président Assad se faisait le commissaire-priseur de toutes les enchères. C’est à travers lui, et lui seul que chacun – y compris l’Arabie Saoudite - devra désormais négocier ses ambitions, ainsi que sa place dans cet échiquier.

En 1990, les accords de Taëf ont été présentés à la population Libanaise ainsi qu'à la communauté internationale comme étant ceux qui allaient mettre un terme aux hostilités - notamment entre les factions chrétiennes de l'armée que commandait le Général Michel Aoun et les milices FL commandées par Samir Geagea. Mais ses accords ne s'avèreront être qu’un subterfuge pour l’entrée en vigueur d'un plan de plus, le plan Saoudien de mainmise sur le Liban - le plus sournois de tous - puisque ces accords constituent une couverture légale aux ambitions Saoudiennes. En effet, les accords de Taëf, imposés en Arabie Saoudite à des parlementaires obsolètes et à la représentativité douteuse, s'insinueront au sein même de la Constitution Libanaise, instaurant les bases de ce qui sera (et demeure encore) la Deuxième République.

A ce propos, que la Constitution Libanaise de la deuxième République porte le nom de la ville Saoudienne de Taëf où elle a été signée, certains n’y verront que le hasard des circonstances de la guerre civile, d’autres (auxquels j’adhère) y verront un symbole peu anodin, et pour le moins significatif.